L’emploi des esclaves aux
Amériques
L’exploitation des
plantations de café utilisait 20% de la main d’œuvre servile déportée
et c’est elle qui à la fin du XVIII° siècle va se développer. Les
mines utilisaient 10% des esclaves (des hommes) et les travaux
domestiques 15% (des femmes), le reste se répartissait entre la culture
du coton et du cacao.
Mais ce sont les grandes plantations de canne à
sucre qui absorbaient le plus d’esclaves, la moitié des Africains qui
survivaient à la traversée de l'Atlantique finissaient dans une
colonie sucrière. Là, la productivité et la rentabilité peuvent être
poussés au maximum et le travail y est plus simple que dans les
plantation de coton et plus rentable que dans celles du tabac (les
esclaves n’avaient qu’à couper les cannes et les transporter au
moulin).
Mais si la culture du sucre consomme tant d'esclave,
c’est qu’elle les use vite, obligeant les planteurs à y affecter
les esclaves les plus jeunes, quitte à les fouetter lorsque la
productivité ralentit.
Les
plantations de canne à sucre.
A
l’origine, la canne à sucre.
Connue depuis la préhistoire, la canne à
sucre serait originaire de Nouvelle-Guinée puis elle aurait atteint
l’Inde et la Chine au VI° siècle avant J.C. C’est Alexandre le
Grand, lors de son retour de l’Indus (en 325 avant J.C) qui la fait
connaître aux Grecs et ce sont les Perses qui l’introduisent en
Orient d’où les arabes vont la diffuser (VII° siècle) dans les
territoires qu’ils occupent. Le mode d’exploitation des plantations
est déjà l’esclavage, il se poursuivra dans les colonies d’Amériques,
jusqu’à son abolition au XIX° siècle. L’occident va découvrir le
sucre avec les croisades et au XIII° siècle son usage se répand en
Europe mais reste réservé à une élite de la classe bourgeoise des
villes. La prise de Constantinople par les Turcs freine le commerce du
sucre entre l’Orient et les marchands Italiens qui cherchent alors
d’autres débouchés et de nouveaux centres d’exploitation de canne
à sucre. Or la canne est déjà répandue dans les îles Baléares,
dans le sud de l’Espagne et du Portugal et elle est implantée dans
les îles Canaries, récemment découvertes.
A
la conquête des Indes Occidentales.
C’est Christophe
Colomb qui va l’introduire sur l'île d'Hispaniola (actuelles Haïti
et Saint Domingue), lors de son second voyage en 1493, où, grâce au
climat, sa culture va rapidement prospérer mais nécessite toujours une
main d’œuvre abondante qui va alimenter la traite des noirs en
provenance d’Afrique.
Si
la première cargaison de sucre quitte Hispaniola à destination de l'Espagne en 1516, la
révolution sucrière commence véritablement au Brésil dans les années
1600, puis elle se propage dans les Caraïbes et l’Amérique centrale,
où elle est introduite par les exilés hollandais chassés du Brésil
par les Portugais, et enfin dans les Antilles à partir de 1764 grâce
aux Anglais et au Français. Il s'agissait de grandes plantations qui
cultivaient uniquement la canne à sucre pour l'exporter.
Les
colonies qui importèrent le plus d'esclaves furent le Brésil, puis les
Antilles, mais l'arrivée en masse de ces nouveaux esclaves provoque la
baisse de leur prix d'achat par les planteurs de canne à sucre ;
en revanche elle favorise la production et fait baisser le prix du sucre
sur le marché mondial permettant de le faire découvrir au plus grand
nombre. En retour, cette stimulation de la demande se traduit par un
immense développement de l'économie sucrière et du trafic d'esclaves.
C'est bien à cause de cette révolution sucrière et des profits
qu’elle génère que la traite a connu une telle ampleur.
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Une
dénonciation morale par les philosophes.
D’ailleurs,
dans l'Europe des Lumières, l'esclavage et la traite sont de plus en
plus critiqués. Montesquieu, dans De l'esprit des lois (1748), fait
dire avec sarcasme à « ceux
qui se disent chrétiens et qui pratiquent l’esclavage… …Le sucre
serait trop cher, si l'on ne faisait cultiver la plante par des esclaves ».
Voltaire dans Candide (1759) dénonce les conditions de vie des esclaves
et les mutilations barbares : « Quand
nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt,
on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la
jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous
mangez du sucre en Europe ». Hélas, plusieurs encyclopédistes
investiront leur fortune dans le commerce triangulaire.
Le
Taffia des Caraïbes et des Antilles.
Un autre débouché de la canne à sucre sera le rhum, obtenu par
distillation de la mélasse de canne à sucre. Sa découverte (1694), liée
à l’invention de l’alambic, serait due au père Labat, un
missionnaire français des Antilles cherchant un remède contre la fièvre,
mais des rhumeries auraient existées sur l’île de la Barbade bien
avant. De
nombreuses sucreries vont s’adjoindre une distillerie de rhum dont les
prétendues vertus médicinales en feront un élément essentiel
à bord des navires négriers, qui avaient tous leur tonneau de rhum
pour le distribuer aux noirs, qui l’appelaient « taffia »,
et aux marins. Mais afin de réduire la consommation de rhum à bord, et
les problèmes liés à l'alcool, l'amiral anglais Edward Vernon, en
1740, eut l'idée d'ajouter de l'eau chaude au rhum : le « grog »
était né. Le rhum sera aussi utilisé
sur les côtes d'Afrique comme monnaie d'échange dans la traite des
esclaves et se répandra en Europe à la fin du XVIIIe siècle,
en tant que boisson.
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Ultérieurement,
à l’abolition de l’esclavage, la main d’œuvre des grandes
plantations de canne à sucre sera remplacée par les engagés, les
nouveaux affranchis et les descendants directs des esclaves arrachés
par la force à leur terre d’Afrique.
Après
plus de trois siècles, la page de la traite et de son corollaire, le
commerce triangulaire, est définitivement tournée, mais le livre de
cette tragédie restera ouvert à jamais.
(Suite...)
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