Retour ] Histoire de l'esclavage ] Traite Atlantique ] Début de la traite ] Essor & déclin ] Commerce triangulaire ] La chasse ] Les navires ] Le voyage ] [ La vente ] France ] Le code noir ] Dames de France ] Rôle de l'Eglise ] Cham ] La repentance ]

9 - Colonies D’AMÉRIQUES : vente et emploi des esclaves


La vente aux colons des Amériques

Arrivés à destination, pour éviter les épidémies de maladies ramenées d’Afrique, les navires étaient mis en quarantaine et les esclaves examinés par un médecin avant de débarquer. Le chirurgien du bord en profitait pour augmenter leur valeur marchande et les rendre plus présentables en masquant lésions et blessures, coupant les cheveux (et les tintant si grisonnants) et huilant les corps. Ils étaient ensuite mis en vente sur les marchés aux esclaves. Les acheteurs étaient les planteurs des colonies, préalablement prévenus (certains avaient même déjà passé commande depuis longtemps) et la vente se faisait par lots et aux enchères, parfois sur le navire.

 

Quelques chiffres, approximatifs (car arrondis), mais éloquents.

Les régions d'arrivée. 
Sur les 11 millions d’esclaves déportés dans les colonies du Nouveau monde, 5 millions le furent au Brésil, un peu plus de 2 millions dans les Antilles Britanniques, 1 million dans les Antilles Françaises, 800.000 dans les Antilles Espagnoles, 400.000 en Guyane et le reste en Amérique du Nord (à égalité entre Britanniques et Espagnols).

Les pays négriers. 
Tous les grands pays européens ont pratiqué le commerce triangulaire et participé à la traite ; parmi eux, c’est le Portugal qui a déporté le plus grand nombre d’esclaves : 5 millions, soit presque la moitié du chiffre total, puis vient l’Angleterre avec 3 millions (28%), la France avec 1.5 million (13%), les Pays-Bas et l’Espagne avec 500.000 chacun (5% chacun), les Etats-Unis (2.5%) et le Danemark (1%).

La mortalité dans les plantations. 
La surmortalité chez les nouveaux arrivés, la surmortalité infantile, les maladies et les mauvaises conditions d’hygiène de l’époque entraînaient un taux de mortalité de l’ordre de 50 pour mille. En effet, en plus de la mortalité élevée due aux difficultés d’adaptation et aux conditions de travail usantes dans les plantations, de nombreuses maladies emportaient les esclaves : scorbut,
tuberculose, dysenterie, variole, lèpre, trypanosomiase africaine (maladie du sommeil ramenée d’Afrique).

.

                       Canne à sucre Mauvais traitements et ... ... châtiments                      

L’emploi des esclaves aux Amériques
L’exploitation des plantations de café utilisait 20% de la main d’œuvre servile déportée et c’est elle qui à la fin du XVIII° siècle va se développer. Les mines utilisaient 10% des esclaves (des hommes) et les travaux domestiques 15% (des femmes), le reste se répartissait entre la culture du coton et du cacao.

Mais ce sont les grandes plantations de canne à sucre qui absorbaient le plus d’esclaves, la moitié des Africains qui survivaient à la traversée de l'Atlantique finissaient dans une colonie sucrière. Là, la productivité et la rentabilité peuvent être poussés au maximum et le travail y est plus simple que dans les plantation de coton et plus rentable que dans celles du tabac (les esclaves n’avaient qu’à couper les cannes et les transporter au moulin).

Mais si la culture du sucre consomme tant d'esclave, c’est qu’elle les use vite, obligeant les planteurs à y affecter les esclaves les plus jeunes, quitte à les fouetter lorsque la productivité ralentit.

 

Les plantations de canne à sucre.

A l’origine, la canne à sucre. 
Connue depuis la préhistoire, la canne à sucre serait originaire de Nouvelle-Guinée puis elle aurait atteint l’Inde et la Chine au VI° siècle avant J.C. C’est Alexandre le Grand, lors de son retour de l’Indus (en 325 avant J.C) qui la fait connaître aux Grecs et ce sont les Perses qui l’introduisent en Orient d’où les arabes vont la diffuser (VII° siècle) dans les territoires qu’ils occupent. Le mode d’exploitation des plantations est déjà l’esclavage, il se poursuivra dans les colonies d’Amériques, jusqu’à son abolition au XIX° siècle. L’occident va découvrir le sucre avec les croisades et au XIII° siècle son usage se répand en Europe mais reste réservé à une élite de la classe bourgeoise des villes. La prise de Constantinople par les Turcs freine le commerce du sucre entre l’Orient et les marchands Italiens qui cherchent alors d’autres débouchés et de nouveaux centres d’exploitation de canne à sucre. Or la canne est déjà répandue dans les îles Baléares, dans le sud de l’Espagne et du Portugal et elle est implantée dans les îles Canaries, récemment découvertes.
A la conquête des Indes Occidentales. 
C’est Christophe Colomb qui va l’introduire sur l'île d'Hispaniola (actuelles Haïti et Saint Domingue), lors de son second voyage en 1493, où, grâce au climat, sa culture va rapidement prospérer mais nécessite toujours une main d’œuvre abondante qui va alimenter la traite des noirs en provenance d’Afrique.
Si la première cargaison de sucre quitte Hispaniola à destination de l'Espagne en 1516, la révolution sucrière commence véritablement au Brésil dans les années 1600, puis elle se propage dans les Caraïbes et l’Amérique centrale, où elle est introduite par les exilés hollandais chassés du Brésil par les Portugais, et enfin dans les Antilles à partir de 1764 grâce aux Anglais et au Français. Il s'agissait de grandes plantations qui cultivaient uniquement la canne à sucre pour l'exporter.

Les colonies qui importèrent le plus d'esclaves furent le Brésil, puis les Antilles, mais l'arrivée en masse de ces nouveaux esclaves provoque la baisse de leur prix d'achat par les planteurs de canne à sucre ; en revanche elle favorise la production et fait baisser le prix du sucre sur le marché mondial permettant de le faire découvrir au plus grand nombre. En retour, cette stimulation de la demande se traduit par un immense développement de l'économie sucrière et du trafic d'esclaves. C'est bien à cause de cette révolution sucrière et des profits qu’elle génère que la traite a connu une telle ampleur.

.   

   Voltaire et le sucre La "canne" à sucre Fouetté ou ... ... suspendu vivant.        

Une dénonciation morale par les philosophes.

D’ailleurs, dans l'Europe des Lumières, l'esclavage et la traite sont de plus en plus critiqués. Montesquieu, dans De l'esprit des lois (1748), fait dire avec sarcasme à « ceux qui se disent chrétiens et qui pratiquent l’esclavage… …Le sucre serait trop cher, si l'on ne faisait cultiver la plante par des esclaves ». Voltaire dans Candide (1759) dénonce les conditions de vie des esclaves et les mutilations barbares : « Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe ». Hélas, plusieurs encyclopédistes investiront leur fortune dans le commerce triangulaire.

Le Taffia des Caraïbes et des Antilles.
Un autre débouché de la canne à sucre sera le rhum, obtenu par distillation de la mélasse de canne à sucre. Sa découverte (1694), liée à l’invention de l’alambic, serait due au père Labat, un missionnaire français des Antilles cherchant un remède contre la fièvre, mais des rhumeries auraient existées sur l’île de la Barbade bien avant.
De nombreuses sucreries vont s’adjoindre une distillerie de rhum dont les prétendues vertus médicinales en feront un élément essentiel à bord des navires négriers, qui avaient tous leur tonneau de rhum pour le distribuer aux noirs, qui l’appelaient « taffia », et aux marins. Mais afin de réduire la consommation de rhum à bord, et les problèmes liés à l'alcool, l'amiral anglais Edward Vernon, en 1740, eut l'idée d'ajouter de l'eau chaude au rhum : le « grog » était né. Le rhum sera aussi utilisé sur les côtes d'Afrique comme monnaie d'échange dans la traite des esclaves et se répandra en Europe à la fin du XVIIIe siècle, en tant que boisson.


Ultérieurement, à l’abolition de l’esclavage, la main d’œuvre des grandes plantations de canne à sucre sera remplacée par les engagés, les nouveaux affranchis et les descendants directs des esclaves arrachés par la force à leur terre d’Afrique. Après plus de trois siècles, la page de la traite et de son corollaire, le commerce triangulaire, est définitivement tournée, mais le livre de cette tragédie restera ouvert à jamais.

 (Suite...)


.

Le voyage sans retour 

Cliquez sur le bouton

Cliquez sur le bouton   La France négrière

Accueil ] Sommaire ] Plan ] N° spécial Maroc ] Section photo ] Section voyage ] Photo du mois ] Jeux ] Services & Infos ]

DIFFUSION PHOTO MAGAZINE
par Dominique et Paul Mariottini